Publié le mardi 12 septembre 2023
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Fréquemment, des patients s’inquiètent de découvrir ou ressentir des choses étranges, désagréables sur leur langue. Une fois les signes de gravité écartés, il faut rassurer et apporter des réponses. Ci-dessous, une série de cas correspondant à des motifs courants de langues anxiogènes en consultation de dermatologie buccale. Elle permettra à l’omnipraticien, selon les situations rencontrées, de mieux rassurer ou adresser les patients.
Mme J., 28 ans, non fumeuse, six bières par jour :
« J’ai des trous rouges et blancs à la langue. Ça pique quand je bois et ça bouge… C’est un cancer comme on en voit sur les paquets de cigarettes ? »
Caractérisée par des plages de légère atrophie érythémateuse bordées de liserés blancs surélevés, la langue géographique évolue par poussées plus marquées, et inquiète souvent le patient lorsqu’il l’aperçoit.
Cette affection bénigne à prédisposition héréditaire est présente dès la petite enfance chez environ 2 % de la population.
Elle est de localisation variable dans le temps et peut s’accompagner d’une gêne à l’alimentation chaude ou acide qui pourra être soulagée par certains antiacides (gel de polysilane…).
Elle ne présente aucune gravité.
M. D., 54 ans, non-fumeur :
« Ma langue se fissure et ça s’étend ! J’ai peur qu’elle se coupe… Non, je n’ai pas mal. »
Présente chez 5 % de la population, la langue plicaturée, dite à tort fissuraire/scrotale, correspond à une alternance de zones de papilles hypertrophiées et atrophiées ainsi qu’à des insertions superficielles de muscles linguaux, telles des rides. Ces « crevasses » de plus en plus visibles avec l’âge peuvent parfois retenir des aliments, sources d’inflammations locales. Plus fréquente en cas de trisomie 21, elle peut également être associée à une langue géo- graphique. On la retrouve aussi dans le syndrome de Melkersson-Rosenthal, une triade combinant langue géographique/fissuraire, macrocheilite granulomateuse et paralysies faciales transitoires.
M. N., 67 ans, fumeur (deux paquets par jour) :
« Ma langue devient noire et s’épaissit, c’est un mélanome ? J’en ai déjà eu au bras. »
À prédominance masculine, la langue villeuse correspond à un allongement et une oxydation des papilles filiformes à la face dorsale de la langue. Cet allongement favorise la formation d’un enduit coloré par le café ou la cigarette dont l’oxydation donne une couleur noire. Souvent confondue avec une mycose, cette affection est favorisée par l’hyposialie. Elle peut partiellement être résolue via l’arrêt de bains de bouche à la chlorexidine, du tabac et un brossage local. Bien que sans gravité malgré le désagrément esthétique, l’épaississement de la face dorsale linguale peut cependant activer des réflexes nauséeux.
Mme L., 33 ans, non fumeuse :
« Je me suis mor- due il y a deux mois. C’est long à cicatriser mais ça ne me fait pas mal. »
La présence d’une ulcération torpide plus de 15 jours associée à une base surélevée éventuellement ferme à la palpation doit alerter et amener à adresser ou biopsier en urgence. Ici, il s’agit d’un carcinome épidermoïde.
Les patients à la découverte de leur anatomie :
« Docteur, j’ai un bouton/une boule/des trous sur ma langue, et plus je regarde, plus ça fait mal. »
La méconnaissance de l’anatomie linguale est répandue parmi les patients. Il n’est alors pas rare qu’en l’observant avec attention, les patients « découvrent » des reliefs physiologiques et s’en inquiètent. A fortiori lorsque ceux-ci intéressent le tiers posté- rieur, la traction forcée favorisant les irritations locales et une symptomatologie comportementale. Il convient ici de savoir rassurer les patients sur le caractère « normal » du V lingual (papilles caliciformes), des papilles foliées associées aux amygdales linguales (amas nodulaires rouges vifs des bords postérieurs de langue) susceptibles de prendre du volume en cas d’infection ORL, ou des varicosités de la face ventrale, etc.
CONCLUSION
La langue et le plancher buccal comptent parmi les sites majeurs des cancers oraux, et les patients en sont conscients. Aussi, la découverte d’un aspect « anormal » est souvent source d’angoisse. Il est donc nécessaire pour l’omnipraticien de savoir différencier les cas physiologiques, paraphysiologiques ou alarmants, et en conséquence d’informer et rassurer le patient. En cas de doute, il convient de ne pas hésiter à adresser afin de ne pas passer à côté d’un diagnostic majeur.
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Source et documents à télécharger :
Source : article à re/lire pages 8 et 9 dans le nouveau Journal de la SOP en version numérique
Article à télécharger :
ZOOM CLINIQUE N°11 : Ma langue est bizarre : c’est grave docteur ? - JSOP 5 2023
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