Aménagement tissulaire péri-implantaire
L’intervention chirurgicale de Bernard Schweitz
Après la pause de l’aprèsmidi, la salle, toujours aussi bondée, assiste à la dernière intervention – un aménagement tissulaire péri-implantaire – que Bernard Schweitz va réaliser alors que, sur un ton très complice, Jacques Malet assure le commentaire.
« Il s’agit d’un patient de 30 ans qui a subi un traumatisme de la 21 à l’âge d’environ 10 ans. N’ayant bénéficié d’aucuns soins ni d’un quelconque suivi, il présentait, lors d’une consultation en urgence, une résorption de remplacement totale avec une perte de volume osseux importante en vestibulaire. Aujourd’hui, après l’avulsion et la pose d’un implant, l’objectif thérapeutique est de faciliter l’intégration esthétique de la prothèse par un apport, en regard de la dépression vestibulaire, de tissu conjonctif enfoui prélevé au niveau tubérositaire. »
Pour une émergence naturelle
Bernard Schweitz commence par déposer la prothèse amovible partielle, puis procède à la réouverture du site pour accéder à la vis de cicatrisation. Pour cela, il utilise une lame à double tranchant dont il relève qu’« elle permet de prendre des virages serrés ». Son incision est festonnée en direction palatine autour de l’implant.
Puis, il décolle le lambeau vestibulaire à l’aide d’un instrument de tunnélisation de chez Stoma et réalise une petite poche vestibulaire. Jacques Malet précise : « Elle doit nécessairement être plus grande que le greffon dont elle sera le réceptacle. Bernard est en train de déposer la vis de cicatrisation, commente-t-il, avant d’être interrompu par l’opérateur :
– En espérant que je ne dévisse pas l’implant ! »
Ce qui déclenche les rires de l’assemblée, jusque-là bien silencieuse.
« Il met un pilier de cicatrisation dont l’évasement va guider la cicatrisation pour une émergence naturelle. »
À présent que le site receveur est préparé, l’opérateur va procéder au prélèvement du greffon de tissu conjonctif au niveau tubérositaire. De la salle, la réalisation des deux premières incisions vestibulaire et palatine en distal de 7 est parfaitement retransmise mais, visiblement, Bernard Schweitz peine à trouver la position optimale dans cette zone aussi postérieure.
Un subtil mélange d’honnêteté et de perfectionnisme
Jacques Malet vient à son secours : « Quand tu n’es pas filmé, est-ce que tu travailles toujours en vision indirecte ?
– Non ! Parfois je me mets debout pour travailler en vision directe. »
Joignant aussitôt le geste à la parole, il se lève pour avoir un meilleur accès. Dès lors, le champ est masqué à la caméra. « Je vais changer de lame et prendre une lame coudée pour pouvoir faire mon incision postérieure » précise Bernard Schweitz.
Il profite de ce temps de repos pour expliquer la direction légèrement oblique des tracés d’incision par rapport à la surface osseuse, laquelle permet d’obtenir un greffon trapézoïdal à grande base périostée. L’incision distale est ensuite réalisée. Elle rejoint les deux incisions vestibulaire et palatine. « Il faut partout avoir le contact osseux avant de procéder au prélèvement » commente Jacques Malet pour meubler ce temps pendant lequel l’opérateur travaille en vision directe.
Bernard Schweitz se relève :
« Voilà ! Je pense que vous n’avez pas vu grand-chose car de mon côté je suis intervenu en aveugle ! ».
Maintenant, Bernard Schweitz prépare le greffon :
« Vous faites comme avec le blanc de poulet !
– Tu veux dire que tu l’escalopes !
– Exactement, je retire l’épithélium ! Nouveaux rires dans la salle.
– Vous pouvez le travailler un peu comme ça » poursuit-il en écrasant le greffon pour l’élargir.
Les rires se propagent du fond de la salle aux premiers rangs. À présent, l’opérateur est redevenu sérieux, il présente le greffon et cherche sa meilleure orientation avant de procéder aux sutures avec du Vicryl 5.0. Il pique le lambeau le plus apicalement possible.
« Ah ! Vous le sentez un peu ? interroge-t-il à un léger sursaut du patient. Je vais compléter mon anesthésie. »
Il reprend en piquant le greffon en deux endroits avant de ressortir au même niveau apical que le point d’entrée. Puis, en tirant sur les deux chefs, il fait glisser le conjonctif sous le lambeau avant de serrer ses noeuds et de laisser libre le petit chef. Bernard Schweitz ajoute deux sutures au palais de part et d’autre de l’implant.
« Il faut que les sutures plaquent le greffon de façon qu’il épouse l’os et l’implant dans toute sa partie vestibulaire et proxima le, précise Jacques Malet. Je ré applique en suturant le lambeau vestibulaire au palais de façon à recouvrir la totalité du greffon. »
L’intervention s’achève avec un léger malaise du patient qui, à l’écoute des commentaires, a peut être vécu un stress plus intense que ne le laissait paraître son immobilité…
Le fauteuil est rapidement redressé et quelques mots rassurants seront suffisants pour que le patient se détende. Pendant ce temps, Bernard Schweitz évide la prothèse amovible pour l’adapter au site modifié tout en faisant une autocritique traduisant à la fois sa grande honnêteté et son perfectionnisme. « J’ai un peu sous-estimé la difficulté d’une intervention en direct dans une zone aussi postérieure, mais c’est au niveau de la tubérosité qu’on dispose du greffon le plus épais et, donc, le plus adapté au gain d’épaisseur voulu pour le secteur antérieur. »
Légendes des 12 photographies :
1. 16 h 04 : Incision des minilames pour le décollement.
2. 16 h 09 : Mise en place des vis de cicatrisation.
3. 16 h 10 : Décollement (3e phase).
4. 16 h 12 : Prélèvement conjonctif.
5. 16 h 15 : Incision palatine.
6. 16 h 27 : Suture (point de matelassier).
7. 16 h 33 : Suture de la plaie postérieure.
8. 16 h 35 : Préparation du greffon (suppression de l’épithélium).
9. 16 h 37 : Préparation du greffon et mise en forme du site.
10. 16 h 44 : Suture indirecte du greffon en vestibulaire.
11. 16 h 55 : Suture de la gencive vestibulaire décollée, blocage et suture complémentaire en mésial et distal de l’implant.
12. 16 h 59 : Adaptation de la prothèse amovible partielle pour la cicatrisation.