Les grandes familles de céramique et leurs différentes propriétés

 

Dr Jacques DEJOU

Les grandes familles de céramique et leurs différentes propriétés

par Jacques Déjou

Comment s’y retrouver dans le monde de plus en plus vaste des céramiques quand une grande diversité de matériaux et de techniques ont leurs indications ? C’est le cas clinique qui conditionne les choix du matériau et de la technique les plus adaptés et non pas l’habitude d’utiliser tel ou tel matériau.

La céramique est un composé minéral fabriqué dont la structure est biphasée. La phase vitreuse (ou verre) constitue une matrice dans laquelle est dispersée une phase cristalline très organisée. Ce cristal dispersé dans la phase vitreuse augmente la résistance du verre dont on sait qu’il est fragile. À l’état métastable, il existe des microfissures dans la céramique, mais la progression de ces fissures est bloquée ou ralentie par les particules cristallines car elles augmentent leur trajet de propagation ou l’interrompent.

Historiquement le problème du choix ne se posait pas : nous ne disposions que de céramiques feldspathiques dont la faible résistance mécanique imposait l’utilisation d’une armature métallique pour les coiffes de recouvrement, et le collage pour les inlays et les onlays.

Céramique feldsphatique au MEB.La céramique se présente sous la forme d’une poudre composée de particules dont les granulométries sont comprises entre 4 et 100 µm et auxquelles s’ajoutent des plastifiants (alginate, sucre) et des colorants. La mise en œuvre est réalisée par mélange avec de l’eau distillée. On passe de cette pâte à la céramique au moyen d’un traitement thermique dit de « frittage » pour obtenir un corps sans porosité. On peut classer les céramiques en fonction de leur température de cuisson, mais une telle classification ne nous dit rien de la technique de mise en œuvre ni des caractéristiques de ces différentes céramiques. Les nouveaux matériaux céra­miques rendent cette classification obsolète. Une classification plus pertinente basée sur leur composition, la technique de mise en forme et sur des caractéristiques de microstructure a été proposée. En effet, les propriétés requises pour une prothèse sont la résistance mécanique, la précision d’adaptation et les propriétés optiques qui dépendent de ces caractéristiques.

Cinq matériaux disponibles

Les céramiques feldspathiques sont composées de 55 % à 78 % de silice (SiO2) et de moins de 10 % d’alumine (Al2O3) car, au-dessus de 10 %, l’opa­cité de la céramique augmente. Elles contiennent aussi des oxydes modificateurs qui permettent d’adapter le coefficient de dilatation thermique à celui de l’alliage métallique d’infra-structure.

Aujourd’hui, nous avons à notre disposition :In-Ceram au MEB.

• des céramiques feldspathiques ;

• des céramiques feldspathiques de deuxième génération telles qu’Op­tec HC® ;

• des vitrocéramiques (Empress® I et II) ;

• des céramiques alumineuses, infiltrées de verre. C’est la gamme In-Ceram®. In-Ceram® Alumina, qui contient 85 % d’Al2O3 et In-Ceram® Zirconia, dans laquelle l’adjonction de ZrO2 augmente la résistance mé­canique. Ce sont deux céramiques d’infra­structure très opaques. Avec In-Ceram® Spinell, le MgAl2O4 fait gagner en translucidité. Ce sont des céramiques présentant une matrice cristalline à 85 % avec 15 % de verre infiltré ;

• des céramiques totalement cristallines à base d’alumine (Procera®) ou de zircone qui sont en fait des céramiques sans verre et dont la microstructure est finalement proche de celle d’un alliage métallique.

Céramique Zircone au MEB.Céramiques cosmétiques et d’infrastructure

Au regard de leur structure, on peut donc simplifier la classification en trois types de céramiques :

1. Les céramiques à matrice vitreuse à base de silice (feldspathiques) ;

2. Les céramiques à matrice cristalline à base d’alumine et/ou de zirconium infiltrées de verre ;

3. Les céramiques à base d’alumine ou de zircone totalement cristallines.

Finalement, on peut aussi considérer qu’il n’y a que deux types de céramiques : les céramiques feldspathiques, qui sont des céramiques cosmétiques, et les céramiques cristallines, qui seront les céramiques d’infrastructure.

La zircone existe sous trois formes allotropiques en fonction de la température. Elle cristallise dans le système monoclinique (M) à température ambiante, dans le système tétragonal (T) à 1 100 °C et dans le système cubique (C) à 2 300 °C. Ces changements de structure induisent des contraintes au sein du matériau, qui sont cause de fractures au moment du refroidissement après frittage. Pour éviter cela, il a fallu parvenir à stabiliser la phase tétragonale à température ambiante. C’est par le dopage de la zircone avec 3 % d’oxyde d’yttrium pour obtenir l’yttria-tetragonal-zirconia-polycristal (Y-TZP) que ce problème a été résolu.

Transformation allotropique de la zircone

Ainsi, lorsque des contraintes s’exercent sur ce matériau on assiste à la transformation martensitique réversible d’une structure tétragonale vers une structure monoclinique avec pour ef­fet son renforcement, en rapport avec l’expansion des particules cristalline et la fermeture des fissures. Il s’agit d’un mécanisme d’autoprotection du matériau. Dans ces conditions, ce matériau ne peut être mis en œuvre que par CFAO. Il existe sous deux formes : la forme HIP (hot isostatic pressure), dense car totalement frittée et peu usinable, et la forme CIP (cold isostatic pressure), poreuse, qui est préfrittée et facilement usinable. La forme CIP doit donc subir une cuisson finale qui s’accompagne d’une contraction compensée par le logiciel de CFAO. Cela aboutit à une amélioration des propriétés mécaniques : on obtient une augmentation de la résistance à la flexion, et la ténacité est multipliée par trois. Mais il subsiste quand même quelques problèmes. La transformation tétragonale-monoclinique finit par être irréversible.

Ainsi, le sablage, les meulages qui constituent des contraintes vont transformer ce matériau. Le vieillissement hydrique produit les mêmes effets, trois fois plus rapidement à 37 °C qu’à température ambiante.

Chips et cracks

Le principal problème rencontré avec ces céramiques concerne la céramique cosmétique. Ces problèmes sont beaucoup plus fréquents sur les CCC à base zircone que sur les autres CC : ce sont des petits éclats de céramique (chips) qui se détachent de la surface de la restauration, des petites fêlures (cracks) qui apparaissent, de petits défauts de structure. Ces éclats se détachent du fait de contraintes résiduelles à la jonction de la céramique d’infrastructure et de la céramique cosmétique, qui sont provoquées par une inadaptation des coefficients de dilatation thermique des deux céramiques. Le frittage de la céramique feldspathique entraîne une conversion de la céramique d’infrastructure en zircone, qui passe de façon irréversible d’un réseau tétragonal à un réseau monoclinique. On voit donc qu’avec la zircone, tous les problèmes ne sont pas encore réglés.

Lorsque l’on considère les propriétés optiques des différentes céramiques d’infrastructure, la translucidité décroît de l’IPS Empress II® dentine, la Vita In-Ceram® Spinell, la Vita In-Ceram® Alumina, à la Vita In-Ceram® Zirconia et la Cercon® Y-TZP (et autres céramiques à base zircone).

 



Ce qu’il faut retenir :

Si l’on considère leur structure, les diverses céramiques peuvent se résumer à deux familles : la première, riche en silice, présente une matrice vitreuse, et la seconde, à base d’alumine ou de zircone, une matrice cristalline.

De la même façon, leurs propriétés mécaniques distinguent ces deux familles : celle dont les propriétés mécaniques sont faibles et qui nécessite soit le collage soit l’utilisation d’une infrastructure plus résistante, et celle dont les propriétés mécaniques sont élevées pour lesquelles le collage et/ou l’infrastructure ne sont pas nécessaires.

Les céramiques translucides auront vocation à être utilisées comme céramiques cosmétiques, alors que les céramiques plus ou moins opaques serviront de céramiques d’infrastructure.