Préparation et assemblage : les deux clefs du succès
par Jean Pierre ATTAL et Gilles TIRLET
Selon les conclusions de la Haute Autorité de santé (HAS), les procédés céramo-céramiques peuvent être proposés en première intention dans le secteur antérieur pour les couronnes unitaires dento-portées, en l’absence de parafonction et de forme sévère de bruxisme (voir lien HAS 1 ). Les écueils et les échecs les plus fréquents sont les sur ou sous-contours, la visibilité des marges, la violation de l’espace biologique, l’intégration, le descellement/décollement, la fracture. Pour chacun de ces écueils ou échecs, c’est tantôt la préparation, tantôt l’assemblage qui est en cause. Dans tous les cas, en présence de préparations défaillantes ou d’assemblages inefficaces, on ira inéluctablement à l’échec.
Il existe trois conditions préalables à l’intégration d’une prothèse fixée : un parodonte sain ou stabilisé, une préparation raisonnée et, enfin, une prothèse provisoire de qualité. Le biotype parodontal fin et plat est considéré comme particulièrement à risque (attention aux manœuvres cliniques d’accès aux limites cervicales notamment). Le biotype parodontal épais et convexe est plus tolérant.
Pour éviter les écueils, il convient de respecter l’espace biologique, de ménager le volume prothétique et de disposer d’une préparation rétentive. Il est nécessaire de réaliser une clé de réduction tissulaire verticale (CRTV) en silicone afin d’en contrôler l’épaisseur. L’importance du volume prothétique et la situation des futures restaurations sont des éléments capitaux.
S’agissant des limites cervicales, leur situation peut être supra, juxta ou intrasulculaire. Elle dépend de la nature du support, de la nature de la construction prothétique (CCM/CCC), de la coloration du support, de la présence éventuelle d’une reconstitution corono-radiculaire (RCRC ou RMIPP) et, enfin, du biotype parodontal. Pour les CCM, la forme sera un épaulement droit, à angle interne arrondi ou chanfreiné pour la marge cervico-vestibulaire, un épaulement chanfreiné, un congé ou un congé chanfreiné pour le reste de la périphérie de la préparation. Pour les CCC, la forme sera un épaulement à angle interne arrondi sans angle vif ni arête. S’agissant de la profondeur des limites cervicales, il n’existe pas au total de distinction significative entre CCC/CCM. Elle est fonction du matériau (nature et type de céramique) et de la situation clinique (coloration du support, rapports d’occlusion…).
Méthodologie clinique
S’agissant de l’instrumentation, on peut choisir des fraises diamantées ou des fraises en carbure de tungstène (fraises Predator® Accu-Prep – Prima Dental Group-Codimed). Chaque type de fraise présente des avantages et des inconvénients (cf. tableau ci-dessous).
Les fraises en carbure de tungstène, en diminuant la quantité de boue dentinaire, augmentent la qualité du collage des systèmes automordançants (Yiu et al., 2008). Ce problème peut être néanmoins contourné avec les fraises diamantées si on utilise un système de collage avec mordançage préalable.
En ce qui concerne les fraises diamantées, les fabricants proposent maintenant différents kits de fraises :
• fraises Dexter Dental Emco Cavex ;
• fraises Diatech ; Coltène Whaledent.
Notre choix instrumental concernera des fraises à épaulement à angle interne arrondi des coffrets suivants :
• Komet 4278 ;
• Ibox (Komet) : permet de respecter scrupuleusement la méthodologie de la préparation proposée.
Les aides optiques sont conseillées avec un grossissement de 2,5 ou 2,8 et l’apport d’un éclairage coaxial (C’Dentaire, Orascoptic).
S’agissant de l’observation clinique initiale, elle permet de mettre en évidence la valeur de l’espace biologique par simple sondage, le « zénith gingival » ou « point haut », les grands axes dentaires, la triangularité de la dent (indice mésio-distal de Le Huche), l’orientation des faces vestibulaires et le profil d’émergence axial. On réalisera également une radiographie initiale (impératif biologique sur dent pulpée). Chiche et Pinault (1995) ont montré que l’insuffisance de préparation à la jonction du tiers apical et des deux tiers cervicaux conduisait le plus souvent à un échec au niveau de l’intégration esthétique de la restauration. Il convient par ailleurs de respecter le profil d’émergence. Enfin, la morphologie de la face linguale permet d’assurer la rétention de la préparation (importance du « mur lingual »).
Voici les différentes étapes de préparation de la dent support :
Étape 1 : réduction occlusale calibrée de 2 mm ; elle doit être vérifiée avec des clés en silicone ;
Étape 2 : mise en place d’un épaulement intermédiaire à la jonction tiers incisif/
deux tiers cervicaux (14/10 à 17/10 de mm) directement fonction, bien entendu, de l’épaisseur mesurée de la dent à ce niveau avant préparation ;
Étape 3 : préparation des deux tiers cervicaux (12/10 à 15/10 de mm). Stein, Mac Lean, Preston, Miller suggèrent une épaisseur minimale de 1,4 mm en vestibulaire pour tous les types de céramique ;
Étape 4 : préparations proximales. On conseille d’utiliser des fender wedges (Pred) car deux tiers des surfaces proximales sont lésées et les lésions carieuses progressent sur cette surface. On crée des gorges proximales de 8/10 à 10/10 de mm
Étape 5 : préparation sous-cingulaire : il est important de respecter la partie verticale sous le cingulum afin d’obtenir un mur lingual d’au moins 3 mm sous ce dernier pour un degré de convergence au sommet compris entre 10° et 20° (Goodacre et coll.) ;
Étape 6 : préparation cingulaire d’une épaisseur de 1 mm ; préparation linguale et contrôle des épaisseurs ;
Étape 7 : étape des finitions et ultrafinition (Usons Kit US Acteon) à l’aide d’un fin cordonnet éverseur. La qualité de la surface a une influence sur la qualité du collage.
L’angle de dépouille sera compris entre 10° et 12° ; il est contrôlé avec une clé de réduction.
Couronnes céramo-céramiques
S’agissant de l’influence du processus de mise en œuvre de couronnes céramo-céramiques, il convient de connaître les particularités des règles de préparation pour les couronnes réalisées par les CFAO. Concernant l’acquisition optique (caméra/laser) (CEREC), la rigueur est impérative concernant la dépouille (très problématique lors de la réalisation d’un bridge) ; il faut également absolument éviter les béquets. Concernant l’acquisition mécanique (NOBEL), le mouvement hélicoïdal entraîne certaines difficultés d’enregistrement des angles vifs ; le diamètre du palpeur atteint 2,5 mm, d’où des difficultés d’enregistrement de l’angle interne arrondi. Enfin, lorsque l’usinage se fait par fraisage, il faut que l’épaisseur du bord libre de la préparation soit supérieure au diamètre minimal des fraises qui vont usiner l’intrados.
Assemblage des vitrocéramiques
Le collage est impératif : il renforce la céramique. Il s’effectue sans sablage car celui-ci éliminerait un volume important de vitrocéramique et serait responsable de la création de microfissures. La procédure comprend trois temps :
• Un traitement de surface à l’acide fluorhydrique (HF de 4 % à 9 %). HF agit sur la silice et doit être appliqué pendant 1 minute pour l’Empress I® et 20 secondes pour l’Empress II® ou l’e.max® (Ivoclar-Vivadent). Il faut ensuite rincer au moins 30 secondes et sécher soigneusement pour obtenir un aspect blanc crayeux.
• La mise en place d’un silane. Pour que le silane soit efficace, la surface doit contenir de la silice et il doit être hydrolysé et condensé. Le silane peut être monocomposant (préhydrolysé), comme le Monobond-S® (Vivadent) ou le Silane Primer® (Kerr), ou bicomposant (non préhydrolysé), comme le Porcelain Liner® (Sun Medical). Le silane a une double action : il lie la céramique et la colle de façon covalente avec élimination d’une molécule d’eau, et constitue un agent de mouillage pour la colle.
• L’utilisation d’une colle duale. Avec système automordançant : Multilink Automix® (Vivadent) ou Futurabond DC® + Bifix QM® (Voco). Avec prémordançage : Optibond Solo Plus® (Kerr) et Nexus 3® (Kerr).
Assemblage des céramiques infiltrées et polycristallines
En général, il n’est pas nécessaire de coller ce type de céramique. On peut utiliser un CVIMAR : Fuji Plus® (GC), Riva Luting Plus® (SDI), Meron Plus®AC (Voco). Il convient de toujours utiliser le traitement de surface préconisé sur la dentine. L’autre possibilité est d’utiliser une colle autoadhésive comme le RelyX Unicem® (3M-Espe), Total Cem® (Itena), MaxCem Elite® (Kerr), BisCem® (Bisico). Il est indispensable de maintenir une pression pendant 30 secondes au moins.
Dans les situations rares où il faut coller, pour les céramiques infiltrées, on aura recours soit au système Rocatec® (Espe-3M) suivi de la mise en place d’un silane et d’une colle, soit au sablage de l’intrados suivi du collage à l’aide de Panavia® (Kuraray). Pour les céramiques polycristallines, le collage est rendu difficile par le danger du sablage sur l’alumine et la zircone, l’insensibilité de cette famille de céramique à l’HF et l’insuffisance de liaison chimique avec le silane, puisque ces surfaces ne contiennent pas de silice. Les deux solutions sont :
• Avec sablage : Rocatec® + silane + colle, ou Panavia®. Ces méthodes posent des problèmes respectivement de vieillissement et liés au sablage comme il a été dit précédemment.
• Sans sablage : Monobond Plus® (Vivadent).
Enfin, des études en cours ouvrent de nouvelles perspectives pour le collage sur la zircone.
Influence de la teinte de la colle
Il existe deux types de composites de collage : d’une part les opaques (blancs ou jaunes) qui possèdent un pouvoir masquant et réflecteur, et d’autre part les translucides (colorés ou transparents). Les deux facteurs d’influence clinique sont la nature et l’épaisseur de la céramique d’une part, l’épaisseur de la colle d’autre part.Si l’épaisseur de la colle est inférieure à 100 µm, l’influence de sa teinte est quasi-nulle. Si l’épaisseur est comprise entre 150 µm et 200 µm, ce qui est plus réaliste en clinique, l’influence est faible. Le problème se pose surtout dans le cas d’une préparation dentinaire et de l’utilisation d’une vitrocéramique. Il convient :
• d’utiliser une teinte proche de celle choisie, surtout si la limite est visible (universelle ou jaune, se méfier du marron) ;
• de ne jamais utiliser une colle opaque.
Il faut donc savoir que, si l’épaisseur de la céramique est faible et l’épaisseur du joint importante, c’est une situation à risque. Le transparent est à réserver aux préparations strictement amélaires.
( lien HAS 1) : vers la 'Synthèse des Prothèses Dentaires' depuis le site de la H.A.S. , Pdf de 100Ko
Ce qu’il faut retenir :