Voyage-congrès – Avril 2012 – Île Maurice
Élongation coronaire : pourquoi et comment ?
par Bernard Schweitz
Esthétique, santé parodontale et pérennité prothétique : tels sont les objectifs de l’élongation coronaire. Le premier concerne des situations cliniques dans lesquelles les proportions des dents doivent être modifiées afin de retrouver une certaine harmonie dans le sourire. Lorsque l’analyse du sourire indique une apicalisation des collets, en présence ou en l’absence de réhabilitation prothétique, une élongation coronaire pourra être envisagée et réalisée en fonction de la nature de l’attache des tissus parodontaux sur les dents.
L’étude de Gargiulo et coll. (1961) est fréquemment citée dans la description du système d’attache parodontal. Les mesures réalisées sur des coupes histologiques humaines ont indiqué que cette attache était constituée d’une portion conjonctive, d’une portion épithéliale et d’une portion sulculaire, de 1 mm environ chacune, les deux premiers compartiments constituant l’espace biologique. Sur des descriptions cliniques par sondage vestibulaire à la crête osseuse de dents antérieures maxillaires, Kois (1994) a montré qu’il existe des variations quantitatives de ces divers compartiments, l’ensemble pouvant mesurer effectivement 3 mm (85 % des cas), mais parfois davantage (12 %) ou moins (3 %).
Dans ce dernier type de situation clinique, en fonction des mesures données par le sondage osseux sous anesthésie, une élongation coronaire sera obtenue par simple gingivectomie ou par gingivectomie et remodelage osseux, parfois par repositionnement apical des tissus gingivaux.
En présence de dents reconstituées qui ne concernent pas le sourire, l’objectif de l’élongation coronaire est davantage parodontal et/ou prothétique. La problématique de la dent délabrée consiste à disposer de structure dentaire en quantité suffisante pour respecter les impératifs parodontaux (espace biologique) qui assurent la santé et la stabilité de l’attache parodontale, et les impératifs prothétiques (ferrule effect ou effet de frettage), qui limitent le risque de fracture ou de descellement de la dent restaurée.
Ainsi, des limites prothétiques intrasulculaires (0,5 mm sous le rebord gingival marginal) devront se situer à 2,5 mm de la crête osseuse au minimum. En revanche, les limites de l’ancrage radiculaire devront conserver des murs dentinaires de 1,5 mm à 2 mm de hauteur, avec un minimum de 1 mm de largeur.
Trouver des compromis
Nous voyons donc que toute procédure d’élongation coronaire devra permettre de recréer un minimum de 4 mm de hauteur dentinaire supra-osseuse pour concilier les impératifs parodontaux et prothétiques.
Les situations dans lesquelles ces quantités de structure dentaire ne sont pas respectées devront être considérées comme des compromis. Il faut alors accepter de diminuer la valeur de l’effet de frettage, ce qui augmente le risque de fracture et de descellement, ou bien enfouir davantage les limites prothétiques, ce qui augmente le risque d’inflammation gingivale marginale chronique et de récession gingivale.
Une valeur de 2 mm entre crête osseuse et limite prothétique est un strict minimum qui n’est pas recommandable, mais qui peut être acceptable dans des secteurs non visibles car la seule alternative à ce compromis est souvent l’extraction de la dent. Dans ces secteurs, les furcations sont fréquemment une limitante qui empêche l’aménagement d’une hauteur dentinaire supra-osseuse idéale. Pour les dents antérieures dont la longueur radiculaire est favorable, il est possible de recourir à une extrusion orthodontique. Cette procédure, qui a été décrite essentiellement sur des dents unitaires monoradiculées, est couplée à une fibrotomie supracrestale pour permettre de « sortir » la dent de son parodonte, et donc d’augmenter la hauteur de structure dentinaire supra-osseuse.
Enfin, les contre-indications de l’élongation coronaire chirurgicale concernent les élongations unitaires et interproximales dans les secteurs esthétiques en raison de la perte des papilles gingivales qui en découle, les élongations nécessitant une ostéotomie trop importante pour les dents voisines lorsque ces dernières sont saines, les racines trop courtes, et les dents trop délabrées pour obtenir un effet de frettage.
Un TP de chirurgie parodontale
Outre leurs conférences respectives, Corinne Touboul et Bernard Schweitz ont aussi animé
une séance pratique en chirurgie parodontale réservée aux confrères et consoeurs mauriciens.
Légende des photographies :
photo.1 - Concilier les impératifs parodontaux et prothétiques.
photo.2 - Couronnes provisoires aux limites profondes et faible effet de frettage.
photo.3 - Gain de hauteur dentinaire supra-osseuse après élongation coronaire.
photo.4 - Inflammation chronique en raison de limites envahissant l’espace biologique.